Pierre VALLS, directeur éditorial de Pika

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AnimeLand : Peux tu nous raconter comment Pika édition s’est monté, et sous l’impulsion de qui ?

Pierre VALLS : Pika, société qui a un an, s’est créée sous l’impulsion de Média System édition (MSE) qui publiait du manga sous le nom de Manga Player (MP). Pika est la suite logique de MSE, MP était son label, MSE à l’origine publiait des magazines de jeux vidéo, dont Player one, 1er mag en europe. C’est moi qui ait lancé MP, il y a maintenant plus de dix ans. Très rapidement on s’est rendu compte que l’univers du jeu vidéo avait beaucoup de points communs avec l’univers du manga, ce avant même le lancement de MP. Donc, dès le 1er numéro de Player One (PO), on a parlé de Dragon Ball, qui n’était pas encore à la mode. Néanmoins on n’avait pas idée à l’époque de ce que le manga représentait au Japon même. En revenant du Japon on s’est décidé à en parler dans PO. Et puis, petit à petit on s’est demandé si on ne pouvait pas en publier nous même, vu que l’on identifiait une qualité qu’on ne retrouvait pas dans la franco-belge ni dans les comics, une véritable spécificité. Parallèlement il y a eu le lancement d’Akira par Glénat, que le mag à soutenu, dans une action de fan. Comme on était spécialisé dans la presse, on s’est dit qu’on allait faire une revue. Notre idée etait de faire de la prépublication, et de passer un deal avec une maison d’édition pour sortir les titres en livre. Glénat n’etait pas intéressé car ils avaient le projet de lancer Kameha, en même temps que nous. Delcourt était intéressé . On s’est lancé, mais Delcourt n’a pas honoré son engagement, il ne le sentait plus, ou n’y croyait pas véritablement… trop de risques. On s’est retrouvé avec un mag, des séries et pas de structure éditoriale derrière. Contraint et forcé, on s’est lancé dans l’auto-édition avec Manga Player Edition. On a fait au début beaucoup d’erreurs, il a fallu qu’on apprenne tout. Ce pendant 4 ans. La presse jeux vidéo explosant, avec l’arrivée des grands groupes, Player One n’a vite plus eu les reins assez solides, et on s’est fait ” manger “. Media system édition s’est donc arrêté, on a lancé alors Pika, qui a reprit l’activité manga de Média System. La période MP a donc été une phase d’apprentissage. Pika est donc pour nous le vrai départ dans l’édition de manga.

AL : Par rapport à votre proposition dans MP, on s’aperçoit que vous reprenez certains de vos titres en édition, mais pas tous ?
PV :
Oui, certaines séries ne seront pas reprises en édition. Cela correspondait à une autre époque, ou cela ne correspond plus à ce que l’on veut faire. En revanche il y a une série qu’on a prépublié dans Manga Player et qu’on veut sortir en manga c’est GTO. Le reste, ce sont des choix éditoriaux.

AL : Quels sont les acteurs de Pika ?

PV : La société appartient à 3 personnes : Alain KAHN, Sylvie BRUTINEAU, et moi. Alain et moi travaillons dans la société. Alain s’occupe plus de tout ce qui est administratif, diffusion, et moi sur l’éditorial. Ensuite on a un groupe de traducteurs adaptateurs qui représentent 5 ou 6 binômes à travailler en freelance. Si possible une personne de langue japonaise qui parle français et une autre française qui a des notions de japonais qui est l’adaptateur. Ainsi il n’y a jamais de contresens et celui qui maîtrise la langue française est à même de trouver les expressions qui colleront le mieux. Toutes nos personnes ont vécu au japon et ont une certaine connaissances de la culture japonaise. Mais on sait qu’il y aura toujours des problèmes et des déceptions, car c’est un exercice difficile à réaliser. Ce système a été mis en place depuis le départ. Depuis le début, on travaille avec les mêmes personnes, elles sont donc bien rodées. La maquette est faite par une équipe de retoucheurs (5-6 personnes), elle est préparée, réalisée et contrôlée en interne. Ainsi la boucle est bouclée. En plus, on a une très bonne côte auprès des éditeurs japonais concernant notre travail de retouche, on est reconnu pour cela. Si on est arrivé à avoir des licences, c’est grâce à ça.

AL : Votre logique va vers un sens de lecture original ou inversé ?

PV : La question ne s’est posée à nous qu’en terme éditorial, on a pas réfléchi en terme commercial, car de toute façon nous, on n’a pas de réponse véritable quant à savoir si un manga en sens français se vend mieux qu’un manga en sens japonais. Donc, commercialement, la question ne se posait pas. En sens français, on fait ce qui est plus grand public, plus universel, et en sens japonais ce qui est plus spécifiquement marqué manga. De toute manière, il y a aussi des auteurs qui ne veulent pas que les planches soient retournées. Moi, ça ne me pose aucun problème de publier dans un sens ou dans l’autre.

AL : Comment s’est passée la négociation de droits avec les Japonais pour obtenir des titres ?

PV : Cela s’est très bien passé. Après MP on souhaitait vraiment qu’il y ait une continuité dans notre travail avec les Japonais en tant que Pika. On est allé voir les éditeurs japonais, on leur a expliqué la situation, ils ont très bien compris. Les Japonais sont fidèles en affaires et ce sont des gens avec qui on peut travailler en confiance. Cela fait 8 ans que je travaille avec des éditeurs japonais et je n’ai jamais eu le cas on l’on m’ait dit OUI au début, puis NON à la fin. Comme on avait dit que l’on voulait travailler à long terme avec eux, ils ont vu après l’arrêt de MP que la confiance qu’ils avaient placée en nous n’était pas vaine. On a eu un transfert de contrat qui s’est fait très facilement. Depuis un an, de plus, on a commencé à rééditer les manga labelisés MP en manga Pika. Les Japonais ont apprécié l’effort de cohérence. Sinon, je me déplace 2 fois environ par an au Japon, et on a beaucoup de contacts sur place qui nous informent. D’autres qui font des aller et retour régulier.

AL : Vous avez cette chance également d’avoir obtenu les droits sur Sakura, votre série phare ?

PV : Sakura est la série qui vend le plus avec 12.000 exemplaires le volume, mais pour moi, la série phare de Pika c’est Dragon Head qui n’est tirée qu’à 5.000 exemplaires. C’est une série que j’ai vraiment envie de défendre et que je trouve exceptionnelle. Sakura, en temps qu’éditeur, j’adore, mais c’est facile, ça trouve tout de suite son public, le dessin animé passe sur M6, c’est super, on est content, on a eu la bonne idée de le signer il y a longtemps. Mais en temps que fan, c’est sur Dragon Head que se porte mon travail, ce n’est pas une série évidente, il faut la booster, qu’elle trouve son public, car elle n’est pas assez connue, et mérite mieux. On perd de l’argent sur Dragon Head, mais les pertes en elles-mêmes sont déjà prévues, ça ne nous empêche pas d’en sortir la suite et la fin. C’est une série qui a le mérite ” d’ouvrir ” un peu le manga, d’être différente de ce que l’on a l’habitude de traduire, elle peut amener un autre public au manga. D’une manière générale, c’est aussi notre boulot de faire en sorte que le marché grandisse, en même temps que le lectorat.

AL : Vous envisagez des rééditions, comme Glénat, augmentées et dans un format différent ?

PV : Rééditer est une idée commercialement intéressante, rentable, et éditorialement, s’il y a des ajouts en plus, ça peut être encore plus positif. Néanmoins, moi, je pense qu’un manga, c’est un manga. Que l’auteur l’a pensé d’une certaine façon, avec un certain découpage, un certain nombre de volume, un certain nombre de choses à l’intérieur. Si ca intéresse le public d’avoir des petits plus dans l’ouvrage, pourquoi pas. Mais pour l’instant, ce n’est pas vraiment notre volonté. On est une jeune maison, et on n’est pas encore à la phase ou l’on fait des rééditions complétées, augmentées.

AL : L’édition de art book rentre-t-elle dans vos projets éditoriaux ?

PV : Bien sûr, mais ce sera de la même manière que l’on édite les manga, on reprendra fidèlement les éléments et présentations des art book japonais. On a étudié le cas. Ce n’est pas forcément une question financière, et en l’occurrence, c’est tout à fait faisable pour Sakura. D’une manière générale, ce n’est pas tellement cher d’acheter des manga au Japon, Sakura lui-même n’est pas très cher. On fonctionne sur un système de royalties : pour chaque exemplaire vendu, il y a un pourcentage reversé à l’éditeur japonais, qui reverse à l’auteur. Avec, bien sûr, un système de minimum garanti, de l’argent que l’on verse au départ, mais au total ce n’est pas énorme.

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