Cédric LITTARDI

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AnimeLand : Quelles étaient tes accointances avec le manga avant ton entrée à AnimeLand ?

Cedric LITTARDI : Je suis le plus jeune des fondateurs d’AnimeLand, donc on ne peut pas dire que je suis un vieux fan. Comme tout le monde, je regardais Goldorak et le reste quand j’étais petit. J’ai la chance d’être partiellement italien, donc j’ai passé du temps en Italie, en vacances, où beaucoup de séries sont passées à la TV (Gundam entre autres), ce qui m’a permis d’avoir une culture manga bien supérieure à ce que le français moyen pouvait avoir. C’était entre 79 et 84. Puis pendant la seconde vague, époque Club Dorothée et La 5, j’ai eu la chance de partir à Hong-Kong, ce qui m’a permit de voir encore plus de nouveaux titres, et ce qui m’a donné envie d’en voir plus. Je n’ai jamais eu de correspondants.

AL : Un choc, un titre en particulier ?

CL : Un choc, pas forcément dans le bon sens du terme, c’était la première fois que j’ai vu Urotsukidoji. Plusieurs chocs, en fait, Macross et Nausicäa principalement. Mais aussi Bubblegum crisis, même si beaucoup disent qu’il a vieilli.

AL : Comment s’est passé ta venue dans l’équipe d’AnimeLand ?

CL : Mon premier contact avec AnimeLand s’est fait au n° 2. J’avais fait connaissance depuis peu avec les gens qu’il y avait, et j’ai aidé à distribuer le magazine en boutique. Petit à petit, j’ai fait de plus en plus de petites choses. J’ai commencé à écrire beaucoup. Je me souviens encore des week-end passés à faire la maquette avec Yvan (West laurence, le rédacteur en Chef – Ndlr), dans les locaux des Pieds dans le Paf. Après, la presse, c’est comme tout, c’est difficile de trouver des gens fiables, donc quand il y en a on leur attribue de plus en plus de responsabilités. J’estime être une personne fiable, quand il faut tenir une Dead Line (date limite de rendu des textes – Ndlr), je la tiens, et quand il faut faire quelque chose, je le fait. AnimeLand était un fanzine qui tirait de plus en plus, certaines personnes sont parties, il a fallu les remplacer. En plus, j’ai un seuil de résistance à l’énervement assez élevé, ce qui est vital dans la vie associative – donc, bénévole – où il faut savoir gérer les moments de fâcheries.

AL : C’était quoi les sujets de fâcherie ?

CL : Qui pouvait travailler avec qui, quelles équipes former… Comme je me fâche peu, et suis relativement calme, je pouvais travailler avec beaucoup plus de monde que quelqu’un qui a des réactions violentes et caractérielles. De même je peux supporter des personnes caractérielles. J’ai vécu des moments de clash ou la vie de la revue aurait pu être mise en cause, mais cela existe de tout temps et pour tous. C’était difficile, lorsque les présidents fondateurs, Vincent OSÉE VU et Pascal LAFINE sont partis, quand il a fallu prendre des décisions pour les locaux… chaque décision importante pouvait être un clash potentiel. Malgré cela, la revue a survécu, grâce un effort commun et une bonne volonté commune. L’union a payé, d’autant que personne à l’époque n’avait les compétences pour faire un journal tout seul.

AL : Au niveau de la ligne rédactionnelle, tu as toujours été en accord avec ce qui se décidait ?

CL : Au début, je n’avais pas mon mot à dire, et de toute manière, il n’y avait pas assez de pages pour offrir un grand choix. Il se trouve qu’ayant écrit beaucoup d’articles par la suite, j’étais forcément en accord avec moi-même. Et puis la ligne était assez floue, chacun pouvait rajouter son grain de sel. Moi, mon grand truc, ça a toujours été de rajouter un axe critique aux choses. Il se trouve qu’AnimeLand a toujours su faire ça, à certaines périodes moins qu’à d’autres peut-être, mais cela suit l’histoire de la revue.

AL : Quelle était ta situation, alors que tu travaillais pour AnimeLand ?

CL : À l’époque où je suis rentré à AnimeLand, j’étais lycéen, j’ai fait ensuite une prépa, puis Sup de Co, en même temps, j’ai fondé Anime Virtual, qui a donné naissance au label Kaze ce qui m’a obligé à m’éloigner d’AnimeLand pour des questions de partialité. J’ai fondé ma société à 19 ans, sans savoir ce que cela signifiait, sans m’être dit auparavant que j’allais travailler dans l’animation. Après j’ai tendance à foncer, quand il y a quelque chose qui me plait, je le fait, en l’occurrence, plus vite que d’autres personnes à AnimeLand à l’époque. Je n’avais donc pas de vision à long terme, il faut dire que l’on était dans un créneau totalement novateur, où rien n’était fait, et donc je voyais plus au jour le jour. À la base, je n’avais aucune ambition particulière, à part réussir mes études.

AL : Parmi tes apports à AnimeLand, il y a également l’histoire des locaux ?

CL : C’était une opportunité, ma mère nous a prêté une chambre de bonne pour installer une rédaction où on a pu travailler. On était donc au 5ème étage, ce qui a occasionné quelques problèmes avec la copropriété, et des problèmes pratiques : 5 étages avec des paquets d’AnimeLand ça a laissé des traces. Mais bon, c’était un vrai lieu de rencontre pour la rédaction, à une époque où on aurait pas pu se permettre de payer un loyer. C’était donc fondamental.

AL : Comment as tu vécu “l’épisode Candy” ?

CL : J’ai peu suivi en fait cet épisode. TBC, qui était la société qui a vendu Goldorak aux chaînes de TV, avait des accords avec Kodansha, l’éditeur original, qui s’est lancé dans cette affaire. On a fait la version française informatiquement, ce qui ne se pratiquait pas encore dans l’édition. D’une part, on était les premiers à utiliser l’informatique pour placer les bulles, d’autre part, TBC est une société japonaise, qui fait de grosses erreurs à chaque fois qu’elle essaye de s’implanter sur le marché français, donc il y a eu des gros retours de vente, c’était mal distribué.

AL : Autre projet : la création d’Anime Virtual c’était aussi un pari ?

CL : On faisait AnimeLand, et tout le monde voulait savoir où se procurer les dessin animés dont on parlait. À l’époque, Manga Entertainment arrosait le marché de K7 en anglais. On s’est donc dit, on va les importer. Et comme une association n’est pas la meilleure structure pour s’occuper de cela, on a créé une société avec Grégoire PARCOLLET. On a commencé à les vendre et on a monté comme cela un réseau. On s’est ensuite décidé à en éditer en français. Je suis donc allé au MIP (Marché International des Programmes) pour faire des achats. Bien sûr, ce n’est pas évident, à 21 ans, de faire des achats de droits, mais on a acheté Lemnear, et cela s’est bien passé. À cette époque j’étais encore étudiant, en première année. Grégoire PARCOLLET assumait la technique, Eric BROUTTA s’occupait des ventes, et j’assumais tout le reste. Pour Lemnear, j’ai fait un tirage de 1.000 exemplaires, ça a marché progressivement, on doit en être aujourd’hui à près de 10.000. Le problème était qu’il n’y avait aucun réseau de distribution et un mépris affiché de la part des distributeurs de vidéo live, pareil pour les Fnac. Seuls les libraires de BD étaient conscients du potentiel. Un réseau spécialisé s’est constitué pour l’occasion afin de vendre de la vidéo à des gens qui n’en vendait habituellement pas.

AL : Au niveau des Japonais, comment cela se passait-il ?

CL : Rencontrer des gens et monter un réseau en France, c’est une chose, rencontrer des maisons japonaises absolument pas ouvertes vers l’international pour leur acheter des droits c’en était une autre. Autre problème : la trésorerie. Une entreprise qui grandit doit rapidement trouver de la trésorerie. En gros, j’avais récupéré 25 000 F pour la capital de la société, et c’était tout. Sur ce on a fait un partenariat avec UCOR, qui assurait la commercialisation. Sur une année on a quand même sorti une soixantaine de K7 (en 1996 Ndlr).

AL : Partir d’ AnimeLand, cela s’est fait facilement ?

CL : AnimeLand est devenu une société, je faisais beaucoup de choses administratives, mais j’intervenais de moins en moins. J’ai perdu définitivement la fonction de directeur de la publication quand Tibor (CLERDOUET – Ndlr) est devenu gérant de la société. Ceci dit, j’ai toujours participé à AnimeLand même si c’était une fois tous les 6 mois. Au numéro 25 ou 26 je n’y était plus. J’étais très satisfait du passage pro, j’avais poussé dans ce sens, désirant toujours aller plus vite. De facto, ce passage était nécessaire, l’association ayant eu un contrôle fiscal et ils nous ont conseillé de se mettre en société. Cela dit, on avait déjà décidé de passer pro. Quoi qu’il en soit, je suis très content d’y avoir participé.

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