Booksterz : complément d’interview

Retrouvez sur cette page le complément de l’interview des auteurs de Booksterz, présente dans le numéro 2012 d’AnimeLand : Sylvain Dos Santos, Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre.

Comment est née l’idée d’utiliser des livres pour se battre ? On a plutôt l’habitude de voir des jeux de cartes dans ce genre de shônen !
Rémi : Déjà parce que des jeux de cartes on en voit partout.
Sylvain : C’est vraiment l’idée de se dire que dans les bouquins de la littérature internationale classique qu’on connaît tous, ou peut-être que les jeunes lecteurs connaissent moins, il y a des personnages à l’intérieur qui ont une matière scénaristique, dramatique, des attributs qui pourraient en faire des purs héros de shônen. Il y a zéro doute là-dessus. Donc pourquoi pas utiliser ça, à notre connaissance ça n’avait pas déjà été trop fait, le côté d’invoquer des créatures là-dessus.
Rémi : C’est aussi par goût, parce que c’est un univers qu’on aime tout simplement. On aime les bouquins.
Guillaume : À la base c’est quand même le personnage du jeux de rôle : le magicien avec son gros grimoire qui invoque des trucs.
Rémi : Il y a de grosses influences jeu de rôles aussi, on a été rôlistes Sylvain et moi et ça a beaucoup joué.
Sylvain : Et c’est vrai que si jamais on peut donner envie à nos lecteurs de relire des bouquins, ou d’en découvrir, c’est gagné.

Et vos inspirations pour les personnages ? Il y a beaucoup de diversité dans Booksterz. Comment les avez-vous créés ?
Sylvain : C’est de la discussion. Souleymane c’est le premier personnage, c’est le héros, c’est le personnage qui est arrivé dès le début du projet.
Rémi : Les personnages sont de culture et d’influences différentes parce que je pense qu’on est tous les trois exactement comme ça, par nos expériences, par nos origines, par notre culture aussi car on ne lit pas du tout les mêmes choses . Et donc c’est la somme de tout ce qu’on aime.

Guillaume, tu travailles désormais avec Alexandre Desmassias pour les décors, comment travaillez-vous ensemble ?
Guillaume : Déjà c’est quelqu’un d’extraordinaire. Au niveau humain c’est la personne qui me complète absolument. Je trouve qu’il fait de meilleurs décors que ce que je faisais moi-même tout seul avant. C’est un gars qui est infographiste 3D de formation.
Alors dans un premier temps on a un scénario, il y a une description des décors. On va prendre un exemple concret : dans le 2e
Booksterz il y a le château de la Belle au bois dormant. Alex va modéliser en 3D, fabriquer chaque mobilier, chaque tour, chaque fenêtre, de temps en temps c’est de la récupération pour des chaises ou des choses comme ça mais la plupart du temps il va les modéliser tout seul . Du coup j’ai un décor en 3D complètement fini dans lequel on va pouvoir se balader en mettant une caméra virtuelle en fonction de mon story-board qui est tiré du scénario. Il a un module d’exportation qui rend sa 3D façon “traits à encrer”. Et surtout dans des chapitres entiers qui vont se passer dans ce château-là, le décor est modélisé une seule fois ce qui me permet de gagner un temps énorme. Ce qui prend le plus de temps dans la fabrication des pages, ce sont les décors.

Vous avez tous les trois d’autres projets en parallèle de Booksterz, comment faites-vous pour vous y retrouver ?
Sylvain : On dort peu.
Rémi : On dort pas (rires).
Sylvain : Quand même on dort un peu
Rémi : C’est une question d’organisation en fait
Sylvain : Oui, et on racontait à des gens qui nous demandaient “Vous n’avez pas peur d’être en panne d’inspiration à des moments ?”, non parce que plus tu travailles, plus tu as des projets , plus tu as des idées, chaque chose se nourrit. Et puis c’est notre passion.
Rémi : C’est ça on a la chance de faire un métier qui nous passionne du coup tu t’investis forcément plus. Alors oui la charge de travail est importante mais on gère les choses les unes après les autres on va dire, et parfois tout en même temps.

Guillaume, faire un manga semble avoir été ton rêve d’enfant. Comment te sens-tu maintenant qu’il s’est réalisé ?
Guillaume : Au niveau du format je pense que ça va être difficile de me faire faire autre chose que du manga. Bon peut-être du format comics comme on a pu le faire avec Marcus pour L’Intrépide (qui est plus de la blague, si les gens s’attendent à un Spider-Man ce n’est pas le cas, plutôt un One-punch Man en couleurs). Après j’ai eu la chance, que ce soit avec Rémi ou avec d’autres personnes, de faire des oeuvres dans des styles ou des genres complètements différents. On a fait une aventure fantastique pour de la BD franco-belge, c’était ce que j’avais toujours voulu lire ou faire en aventure fantastique : City Hall c’était tout ce que je voulais faire en style “shônen plus” steampunk. Là je m’attaque à du shônen pur, c’est un autre style que j’aime bien. Comme j’aime bien tous les styles de manga, j’ai un peu tout à la maison
Rémi : Et on a un seinen derrière, 6.
Guillaume : Oui, et je fais Le Visiteur du Futur La Brigade Temporelle en manga avec François Descraques. C’est un rêve fantastique, une sorte de spin-off de la série télé. J’ai encore plein d’envie, et oui un seinen ça en fait partie : un seinen pur et dur, jamais gratuit. Il me manquerait éventuellement un truc pour mes enfants ou un manga d’horreur, je suis fan du cinéma fantastique.
Sylvain : Avec 6 on est quand même un peu là-dedans.
Rémi : 6 c’est vraiment du thriller.
Guillaume : Fantastique.
Sylvain : Oui voilà c’est quand même un vrai truc avec de la tension.
Guillaume : Là je suis en train de découvrir la série Dark Souls, avec Dark Souls 3 qui vient de sortir. Je voudrais vraiment faire un truc de dark fantasy, nihiliste, un truc qui fait que tu ne te sens pas bien quand tu l’as fini, mais puissant et fort.

Quels conseils avez-vous à donner à ceux qui aimeraient se lancer comme vous dans l’aventure manga ?
Guillaume : Ce sont des conseils pour les gens qui veulent vraiment devenir professionnels. Soyez originaux, les éditeurs en ont que faire de l’énième version de Naruto ou de One Piece, ça ne les intéressera pas. Ayez de la personnalité, copiez par contre au niveau graphique : n’hésitez pas à aller voir dans vos séries préférées comment les auteurs pro font tel pose avec laquelle vous avez du mal. C’est en reproduisant que vous allez apprendre. Alors ça c’est un avis personnel mais je ne crois pas du tout aux écoles même s’il y en a de très bonnes, Toulouse Manga d’ailleurs en tête qui a un très bon corps enseignant très sympathique. Mais je trouve que c’est assez réducteur parce que déjà vous biaisez votre vision des choses en vous inculquant des choses alors que la bande dessinée, le manga, le comics, l’art, la peinture, c’est la liberté de création. C’est votre mélange à vous, l’imagination ne descend pas du ciel.

L’imagination c’est la conjonction de toutes vos influences, de ce que vous avez lu, vu, de ce qui vous a impressionné, et c’est le mélange de tout ça qui va faire votre personnalité. Ca va prendre du temps c’est sûr, de bosser à la maison tout seul et d’apprendre tout seul pendant des heures à votre bureau à la place de jouer à la PS4. D’ailleurs la PS4 c’est dans le placard à partir d’aujourd’hui (rires). Peut-être qu’une école de dessin classique peut vous permettre d’apprendre les bases mais après c’est bien de se démarquer de tout ça.
Soyez originaux, ayez un propos dans ce que vous voulez raconter, et pas simplement un truc de baston. C’est la chance que j’ai eu avec Rémi, et maintenant avec Rémi et Sylvain. Ce qu’on vous propose ce n’est pas qu’un
shônen, c’est un “shônen plus”, il y a le petit truc derrière qui fait la saveur, qui fait que c’est différent. Et ça c’est un message personnel, il y a plein de personnes qui m’ont écrit sur Facebook en message privé, je vous souhaite bonne chance dans votre volonté d’aller directement au Japon mais ne grillez pas trop les étapes, commencez d’abord en France, c’est assez important . Il y a un créneau , il y a quelque chose qui se passe actuellement : si on est mis en avant au niveau manga français à Japan Expo c’est qu’il se passe un truc, les éditeurs sont demandeurs de projets de qualité. Et dernier conseil : ce n’est pas parce que le manga va vite qu’il faut le faire vite. Prenez votre temps, il faut faire les meilleures pages, pensez bien qu’il y a des lecteurs derrière qui vont acheter vos bouquins : si c’est moche ils ne prendront pas. Je suis un peu sec, mais je pense que c’est la vérité. Et ne pensez pas faire fortune, on est en France on n’est pas au Japon.

Rémi : Faire hyper attention au fait que le métier de scénariste est un vrai métier. On ne peut pas s’improviser scénariste parce qu’on dessine très bien. Ca nécessite beaucoup de temps, beaucoup de digestion, un vrai apprentissage et une vraie expérience d’écriture. Il faut énormément lire, jouer à des jeux vidéo aussi. Au contraire pour la partie scénariste je pense qu’il faut jouer beaucoup alors que pour la partie dessin évidemment il ne faut pas faire tout ça. Mais ne pas hésiter à s’accompagner d’un autre auteur qui peut sublimer le projet, parce que c’est rarissime, même si ça arrive, d’être excellent dans tous les domaines. Donc il ne faut justement pas hésiter à partager pour avoir plus de chance de signer.
Sylvain : Il faut s’accrocher parce que ce n’est pas facile, parce qu’il va y avoir des échecs, des coups durs et il faut avoir confiance en soi et il faut y aller.
Rémi : Il faut avoir une bonne résistance à la frustration.
Guillaume : Je finis quand même par dire qu’une fois qu’on y est, c’est génial.