Miyazaki Moebius : coup d’envoi

0

Un face à face des univers du japonais MIYAZAKI (Totoro, Mononoké, Chihiro…) et du français MOEBIUS (Blueberry, L’incal…) à travers la mise en perspective de plus de 300 dessins, voilà ce que nous propose la Monnaie de Paris jusqu’au 13 mars prochain.

Une exposition thématique

Thématiques, les salles sont organisées autour d’axes communs dégagés chez les deux auteurs (le cheminement ; la terre nourricière ; la salle dans les airs ; les mondes invisibles ; les créatures ; exquise esquisse, du trait à la forme). Au gré des « couloirs Miyazaki » et autres « galerie Moebius », on croise ainsi quelques crayonnés émouvants, comme une page du story-board concernant le poignant Sans visage tiré de Chihiro, des esquisses de la bouille de Kiki, ou encore des dessins concernant l’adaptation animée de Little Nemo projet poussif qui s’est étalé pendant 7 ans au milieu des années 80, et connut la collaboration de MOEBIUS et celle avortée de MIYAZAKI -, mais aussi des vidéos explicatives sur les méthodes de travail des deux artistes.

Un parcours léger et aérien à travers les oeuvres des deux hommes, mettant en exergue une certaine fascination pour les machines volantes (voir iconos de Arzach et Laputa ci-contre), mais aussi une certaine représentation de la nature et des mondes parallèles.

Pourquoi avoir mêlé les deux auteurs ? Par affinité d’esprit, semble-t-il, accointance de goûts, de thématiques, mais aussi par volonté – à un mois de la sortie dans les salles françaises du Château ambulant, de « présenter MIYAZAKI comme un artiste à part entière », selon les propos de Jean- François CAMILLIERI, commissaire de l’exposition.

Le 29 novembre au matin, les acteurs principaux de l’événement étaient présents pour nous en parler : Jean-François CAMILLIERI (BVI, distributeur des Ghibli en France), Jean GIRAUD alias MOEBIUS , accompagné d’Isabelle GIRAUD (Stardom Production), et SUZUKI Toshio président du Studio Ghibli. MIYAZAKI Hayo, quant à lui, était excusé pour cause de décalage horaire harassant.

Quand MOEBIUS rencontre MIYAZAKI

C’est vraisemblablement sous l’impulsion concertée de BVI, Jean-Jacques LAUNIER (Légende urbaine, voir l’exposition ÔTOMO) et Isabelle GIRAUD (Stardom Production) que l’exposition a vu le jour, MIYAZAKI et MOEBIUS s’étant déjà rencontré et s’estimant mutuellement.

Le premier contact entre les deux hommes remonte aux années 80, se souvient MOEBIUS : « je vivais alors à Los Angeles. Mon fils, qui avait environ 10 ans, fréquentait l’école franco américaine. Il y a rencontré une bande de fanatiques du manga, qui se passaient des cassettes piratées venant du Japon. J’avais notamment remarqué une cassette sans titre, qui s’est avérée n’être autre que… Nausicaä ! J’étais impressionné, conquis par le génie de MIYAZAKI ; mais je pensais alors qu’il resterait un auteur ésotérique et méconnu. Puis son talent s’est inscrit dans la durée, et j’ai suivi son travail (Laputa, Kiki, Totoro…). J’étais ébloui : chaque film supplantait l’autre en qualité, tout en restant fidèle aux mêmes thèmes. » MOEBIUS devint ainsi fan de l’oeuvre de MIYAZAKI, au point d’avoir appelé sa première fille… Nausicaä ! « Nous avons eu un bon feeling, car elle ressemble vraiment à une héroïne de MIYAZAKI ! ».

Et MIYAZAKI dans tout ça ? « Il a décidé cette fois de ne pas aller à l’étranger pour la promotion de son film. Mais il n’a pas pu décliner l’invitation concernant un événement qui le liait à MOEBIUS ! », explique SUZUKI Toshio. Le président du Studio Ghibli s’est par la même déclaré « ému, car c’est la première fois que les oeuvres de MIYAZAKI sont exposées en tant que telles. C’est un homme timide, gêné d’imaginer une exposition basée sur son seul nom. »

Le combat pour la reconnaissance de la BD en tant qu’art pictural n’est d’ailleurs pas encore tout à fait gagné en France, comme le rappelait Isabelle GIRAUD, oeuvrant au sein de Stardom Production : « nous avons des demandes émanant de l’Espagne, de l’Allemagne, mais en France, hormis Angoulême et ponctuellement la Fondation Cartier, la demande est inexistante. Il y a une réticence face à la BD. Maintenant, j’aimerais imaginer une expo encore plus ambitieuse, voire un lieu permanent destiné à accueillir les arts plastiques tournant autour de la BD, du cinéma et du jeu vidéo ! »

Accointance d’esprit

Pour l’instant donc, délectons-nous de cette exposition dans les locaux prestigieux de la Monnaie de Paris, mettant en exergue le traitement de thématiques communs aux deux artistes, sujet sur lequel MOEBIUS reste intarissable : « MIYAZAKI traite du sous et du surnaturel. Dans des films notamment comme Totoro et Mononoké, les génies des lieux sont émergents, sollicités ou perturbés par les hommes. Le Japon conserve des canaux entre tradition et modernité. Moi-même, j’ai essayé de traiter ces thèmes, mais je n’ai pas le même bagage culturel. Pour moi, MIYAZAKI et TAKAHATA sont les deux expressions d’une même pensée ; je considère d’ailleurs Pompoko comme LE film sur les rapports Homme et Nature par excellence. »

Enfin, SUZUKI Toshio a rappelé les origines socio-culturelles de ces thèmes : « chez les Japonais, le rapport à la Nature et aux esprits fait partie de la tradition. Mais avec l’industrialisation, la relation à la Nature s’est émoussée. C’est avec la série Heidi que MIYAZAKI et TAKAHATA ont voulu redonner aux enfants l’occasion de regarder la nature avec des yeux neufs. MIYAZAKI réfléchit à la meilleure façon de vivre dans ce monde. » « L’enseignement a débordé le cadre du Japon : les forces de la Nature sont planétaires, la fragilité universelle aussi », surenchérit MOEBIUS.

On aurait encore aimé entendre MIYAZAKI s’exprimer sur cette exposition, sur son appréciation du talent de Jean GIRAUD. Le cinéaste japonais a malheureusement décidé de réserver ses apparitions aux cercles très restreints des VIP (vernissage du 29 novembre au soir, avant-première VIP du Château ambulant le lendemain), privant ainsi le public et la presse d’échanges directs.

À défaut, on ira voir dans les salles le Château ambulant (sur les écrans français le 12 janvier prochain), puisque l’on dit souvent que ce sont les oeuvres qui savent le mieux parler des artistes.

Miyazaki-Moebius, deux artistes dont les dessins prennent vie, du 1er décembre au 13 mars 2005 à la Monnaie de Parie, 11 quai Conti, 75006 Paris.

Site officiel : http://miyazaki-moebius.com/

À lire : notre compte-rendu de l’exposition.

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur