Le Prisonnier du Bouddha (1960), un “Spirou et Fantasio” classique de Franquin, mais signé aussi de Greg et Jidéhem. Je comptais le relire un jour et viens de le faire avec grand plaisir. L’intro est si indirecte que le lecteur se demande dans quelle direction on l’emmène : à Champignac, on suit le petit Noël qui se rend à la papeterie ; il commande pour le maire de grosses fournitures en papier, crayons, gommes ; le marchand en bavardant avec Duplumier nous apprend que le maire travaille d’arrache-pied à son discours d’inauguration de la foire aux bestiaux de Champignac. Ainsi est posé le contexte où arrivent Spirou et Fantasio dans leur Turbotraction n° 2 (moins belle à mon sens que le modèle n° 1). Ils rendent une visite-surprise au comte, mais tombent sur une ambiance très inquiétante (et très réussie narrativement) dans le parc du château, puis dans le château, car le comte essaie de cacher un invité secret, Nicolas, savant au nom russe co-inventeur d’un appareil supprimant la pesanteur. C’est un “Générateur Atomique Gamma”, en plus court le GAG mais deux espions, Boris et Alexandre, vont tenter de s’en emparer. A noter que nulle allusion à la Russie ou à l’URSS n’est faite, malgré l’évidence. De même quand on apprend que Longplaying, ami de Nicolas et du comte, est prisonnier en Asie dans la Vallée des Sept Bouddhas, au Nord de “Hoïnk-Oînk” aucune mention de la Chine n’apparaît. Seules les nationalités américaine de Longplaying et britannique des deux envoyés anglais sont annoncées. Pourtant tout le contexte géopolitique, les décors, les costumes, et un certain nombre de véritables caractères chinois dénoncent la Chine de Mao comme responsable du kidnapping et ennemie de nos héros qui s’y rendent en libérateurs de l’Américain. En fait, probablement pour des raisons de mondialisation, la BD et les Comics de la Guerre Froide usaient seulement d’une très prudente propagande, inventant de nombreux faux pays telle la Bordurie des albums de Tintin. Avant et pendant la guerre mondiale il en allait autrement. L’album est plein d’aventure et de bons gags (grâce au GAG parfois !). A noter quelques incohérences : parfois nos héros occidentaux comprennent ce que disent les Chinois entre eux. De plus, le GAG est certes capable de faire germer à toute vitesse des plantes, mais nullement de les modifier en géantes comme dans le parc du comte au début. Comme souvent, on n’aperçoit pas une seule femme dans l’album, ni au cours de la foire aux bestiaux de Champignac ni ailleurs excepté deux ou trois, vues de loin dans la foule de “Hoïnk-Oînk” ! Aujourd’hui ce principe paraît des plus étranges évidemment. L’album a essayé de donner du poids à Spip, dont le lecteur connaît toutes les pensées ou presque ; le problème est que le marsupilami lui n’a pas droit au même traitement… Quant au camion détruit et pulvérisé vers la fin, le lecteur n’apprenant qu’après coup que nos héros l’ont abandonné sur une pente roulant à vide, la scène est exactement similaire dans Gil Jourdan “L’enfer de Xique-Xique”, sorti également en 1960.
Je me permets de quoter ton message mon cher Yupa car je sais que ma réponse se retrouvera à la page suivante.
Tout cela pour te dire que je rejoins en tout point ta critique élogieuse de l’album Les prisonniers du Bouddha qui est selon l’une des toutes meilleures aventures de Spirou et Fantasio. 🙂
Le trait de Franquin est toujours aussi magnifique et somptueux et ce grand dessinateur est parfaitement à l’aise.
Bien que je n’ai pas relu l’album depuis de nombreuses années (il est resté chez mes parents à Tahiti), j’en garde des souvenirs très clairs et très forts.
L’ambiance dans le château du comte de Champignac au début de l’album est en effet lugubre et angoissante. Je crois me souvenir aussi que Fantasio pousse un hurlement de surprise et d’épouvante quand il se retrouve nez à nez avec Nicolas dans la pénombre !
La carrure et la corpulence du scientifique sont impressionnantes, même si la peur de Fantasio, bien que compréhensible, peut prêter à sourire par la suite, Nicolas étant d’une grande timidité et doux comme un agneau.
Le passage où nos deux héros découvrent avec stupeur que la végétation du comte est devenue gigantesque était également intriguant !
Il y a en effet beaucoup de gags liés au GAG ( 😉 ), je me souviens d’une scène en particulier où l’un des espions s’est emparé de la fabuleuse machine, s’envole avec en étant sur le point de passer au dessus d’un mur, et, au moment fatidique, celle ci tombe en panne et le malheureux tombe en se cassant la figure !
J’ai été aussi marqué par cette scène où Fantasio fut exaspéré par un autochtone se déplaçant très lentement sur sa mule qui traversait un pont. Notre blondinet eut recours alors au GAG pour faire léviter l’asiatique et sa bête (aussi interloqués l’un que l’autre) et pouvoir traverser plus rapidement le pont. Cela ne manqua pas de causer la fureur de Spirou qui gronda son ami pour son acte impulsif qui ne les ferait pas passer inaperçus. La colère de Spirou était légitime car le civil en question travaillait pour le compte des soldats ayant capturé le scientifique Américain Longplaying !
Pour ce qui est du Marsupilami, notre tandem l’avait confié à Nicolas, mais l’intrépide animal ne l’entendit pas de cette oreille, il frappa l’infortuné scientifique et sauta hors du bateau pour accompagner nos héros. Nicolas crut à tort qu’il s’était noyé mais le comte le rassura en lui disant que le Marsupilami est amphibie, tout en espérant qu’il fournira une aide précieuse à Spirou et Fantasio.
C’est vraiment une histoire de Spirou que j’adore qui est drôle, pleine de rebondissements et palpitante. 🙂
Chapeau aussi d’avoir noté la référence faite à Gil Jourdan, je ne l’avais pas décelé, n’ayant jamais lu ce grand classique de la BD Franco Belge dont Jacques Sadoul en avait pourtant dit le plus grand bien. 🙂